Dans le film Cloverfield de Matt Reeves on est noyé dans le bruit tonitruant de leurs souffles épuisés, bientôt couverts par les explosions, au loin, des tirs dirigés contre le monstre, ainsi que par les sirènes annonçant le bombardement imminent de toute la zone, c'est à-dire l'éradication de Manhattan. Rob et Beth savent qu'ils vivent leurs dernières minutes ou secondes. Qu'ils vont être anéantis, comme tout ce qui les entoure, dans ce grand nettoyage général. Et c'est là que Rob, tel un ultime témoin (testis), énonce ou dicte à la caméra ce ciné testament: « Mon nom est Robert Hawkins. Il est 6 h 42 du matin. samedi 23 mai. Il y a environ sept heures, quelque chose a attaqué la ville. Je ne sais pas ce que c'est. Si vous avez trouvé cette vidéo . je veux dire: si vous regardez ça en ce moment même, vous en savez probablement plus que moi là-dessus. »
Rob se tourne vers Beth, lui demande de dire quelque chose, elle aussi. Elle pleure, « je ne sais pas quoi dire », il l'encourage, « dis-leur juste qui tu es », elle dit son nom, « mon nom est Elizabeth McIntyre ». Une déflagration enflamme l'image, la caméra filme toujours, sous les décombres, on entend Beth et Rob se dire qu'ils s'aiment, « I love you ». Et c'est fini.



c’est l’exposition la plus pure et la plus claire de cette structure testamentaire.
On se dit, en reprenant ses esprits peu à peu: ce n'était qu'un jeu, ce n'était que du virtuel, après tout. Et pourtant, on a beau vouloir minorer ainsi l'impact de la détonation cosmique à laquelle on a assisté, ces mots ne réussissent pas vraiment à rassurer, ils continuent secrètement de trembler, comme si résonnait encore en eux la déflagration qui vient de tout emporter: lorsque je tente de me convaincre qu'il n'y avait là que du virtuel, après tout, j'entends aussi, inéluctablement, que c'est également d'un jeu de l'après qu'il s'agit d'un jeu qui vient après le tout, après que tout a disparu.
le mmorpg aura peut-être été et devrait être pour toujours la seul catégorie de jeu vidéo répondant aussi purement et absolument à cette exigence propre à une apocalypse-virtuel que la dernière image soit la toute dernière image, c'est dire la dernière de toutes - de toutes les images passées présentes ou à venir.
Le silence et l'obscurité profonde, qui durent. Jamais aucun jeu, à ma connaissance, ne s'est ainsi conformé à ce qui représenterait la loi la plus stricte du genre apocalyptique (si genre il y a): à savoir que la fin du monde, c'est la fin du jeu. Ou vice-versa (car cette terrifiante équation de l'eschatologie du jeu peut se retourner sans en être changée. si j'ose dire, le moins du monde): la fin du jeu, c'est la fin du monde.
Bonjour,
Pour un projet d’art vidéo, je suis à la recherche de joueurs ayant vécu la formidable ou abominable expérience d’une fermeture des serveurs dans un mmorpg.
Passionné d’images numériques et étudiant aux beaux arts, je porterai une oreille attentive sur le récit de la fin d’un monde virtuel, d’une page tournée de votre vie, en somme de l’expérience vécue lors de cette fermeture.
Mon projet, en images, porte sur l’idée de ces fins de mondes et j’ai besoin de vos témoignages parce que vous les avez vécu.
Comme nous, ces mondes grandissent et changent mais aussi comme nous, ces mondes sont destinés à mourir.
Mon travail consiste à retranscrire vos témoignages testamentaires virtuels, ces amitiés créées, ces souvenirs inoubliables gravés dans l'esprit pour toujours.
Les mondes virtuels meurent tous à la fin. Tout ce qui change, c’est notre manière de les pleurer.
Vous pouvez me contacter ici:
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